par Yu' » Mar 06 Sep 2005, 20:08
C'était pour un concours, le texte devait s'appeler "Un monde parfait" !
Un monde parfait … Mélancolie … Je te pleure car sans toi mon monde ne sera plus jamais parfait …
Certes, il ne l’était pas, parfait. Mais, tant que tu étais là, j’étais heureuse.
Tu m’as quitté … Je ne l’aurais jamais cru. Il y a cette douleur qui sert mon ventre dans un étau, qui comprime mon cœur et fait pleurer mes yeux …
Tu m’as longtemps manqué … Et pendant tout le temps qu’a duré mon deuil, je n’ai pu parler de toi … Aujourd’hui, je suis prête …
Alors voilà … Je raconte … Mon monde parfait !
« Alors vas-y, raconte ! Pour toi, le monde parfait, c’est quoi ? »
Elle lui posait toujours cette question … Et il s’y attendait … Mais, chaque fois, il changeait la version, pour ne pas la décevoir.
« Hum … Aujourd’hui, mon monde parfait sera remplit d’étoiles … »
- Ah oui ? Des étoiles comment ? »
- Bleues, comme tes yeux … »
- Mais j’ai les yeux marrons !
- Dans mon monde, tu as les yeux bleus !
- Et dans ton monde, tu m’aimes ?
- Je t’aimerais toujours Graine de Lune … »
Ils avaient dix ans … Dix ans et ils semblaient s’aimer pour la vie … Ils ne s’étaient jamais touchés ni même effleurés mais ils s’aimaient et ça leur semblaient normal … Comme la vie est simple à cet âge-là ! Le monde semble presque … parfait !
« Et le tien, il serait comment ?
- Euh … Le ciel serait jaune … D’un jaune éclatant ! Et le soleil serait vert … Et il y en aurait deux ! La mer serait rose … Et l’herbe rouge !
- Oh ! Pas mal ! »
Ils se retrouvaient après l’école, derrière le petit muret et ils s’asseyaient sur le pont, près du ruisseau.
Ils se parlaient pendant des heures ! De tout, de rien, de la vie, de la mort, du monde …
Puis, il était parti … Sans prévenir. Un beau jour d’été, il n’était plus là, sur le muret … Elle avait pensé qu’il était malade et elle avait courut jusque chez lui. Il avait ouvert la porte, les bras couverts d’ecchymoses, un œil au beurre noir.
« Je pars …
- Où ça ?
- Loin … Je ne sais pas exactement !
- Mais alors … on ne se reverra plus ?
- Non …
- Mais je ne veux pas te quitter moi !
- Moi non plus … Mais je dois … Je t’écrirais petite Graine de Lune …
- Au revoir alors …
- Oui, au revoir …
Comme ça lui avait parut étrange … Elle l’avait laisser partir sans rien dire, sans rien tenter … Comment étais-ce possible ? Une fois loin, ses larmes avaient coulées et elle avait compris. Compris que l’absence est plus dure que tout …
Bien sûr, il ne lui avait pas écrit … Pendant un an, elle n’avait cessé de penser à lui … Puis son chagrin était passé … Elle avait retrouvé des amis … Et même des petits amis aux fils des ans ! Mais elle ne l’avait pas oublier …
Puis, un jour, quelqu’un avait sonné à sa porte. Elle avait descendu le grand escalier et s’était retrouvée dans l’entrée. Quand elle avait ouvert la porte, elle n’avait pas compris tout de suite. Il avait tellement changé en six ans ! Mais quand il lui avait dit, avec un sourire de séducteur : « Alors, Graine de Lune, tu m’as oublié ? », elle avait sentit son cœur chavirer !
IL était de retour ! Elle avait faillit lui sauter dans les bras … Et s’était contenté de l’embrasser, poliment sur les deux joues. Elle était seule chez elle … Elle aurait pu avoir peur de l’inconnu qu’il était devenu mais elle était confiante. Elle le fit monter dans sa chambre.
Il fit le tour de la pièce, inspectant chaque recoin d’un œil curieux.
« Ca a changé ici …
- J’ai changé …
- Moi aussi, tu sais !
- Oui, je m’en doute ! Je suis contente de te revoir !
- Moi aussi … Tu sais … Je ne t’ai jamais oublié … Et si je ne t’ai pas écrit c’était … parce que … si je ne te voyais pas, t’écrire ne servait à rien, tu comprends ?
- Oui … Le pire, c’est que je comprends !
Il s’était installé sur sa chaise de bureau, elle sur son lit.
Il murmura :
« Pour toi, le monde parfait, c’est quoi ?
- Hum … Aujourd’hui, mon monde parfait aura …
- Oui ? ?
- Un ciel bleu … Un soleil jaune … Une mer bleue … De l’herbe verte … Et surtout … Un ami que j’aurais retrouvé !
Il sourit. Ce n’était pas le même sourire qu’autrefois mais elle retrouvait sa vague mimique.
Il avait emménagé dans une maison, pas très loin du lycée. Il était dans une autre classe. Ils ne se voyaient pas souvent. Ils ne se disaient jamais bonjour … Mais quand ils se croisaient, ils souriaient … De si beaux sourires que ça leur réchauffait le cœur pour la journée.
Puis, un jour, il franchit le fossé. Il avait fait le pas. Il avait brûler les étapes, il était aller jusqu’à elle. Parce que le temps n’est pas immortel … Et qu’il n’en pouvait plus d’attendre que ce temps se lasse.
Il l’avait embrassé. Comme ça, devant tout le monde. Au lycée. Au milieu de la cour.
Elle ne s’y attendait pas. Il était arrivé vers elle, nonchalant. Elle l’avait regardé venir, confiante. Et il l’avait embrassé. Sans un mot. C’était étrange … Mais ça leur paraissait normal. Entre eux, tout avait toujours été normal. Depuis ce baiser, ils ne s’étaient plus quittés. Ils ne se voyaient pas tout le temps, ne passaient pas leur temps à s’embrasser comme tous les autres couples. C’était bien plus fort.
Il lui avait raconté sa vie d’avant … Sa vie d’enfant … Sa mère qui hurlait … Son père qui tapait … Lui qui criait … Les bleus … Le sang qui jaillit quand le coup était trop fort … La haine … La peur … La tristesse … L’espoir. Mais son espoir à lui, c’était elle.
Ils avaient passé le cap, ensembles. S’étaient aimés, comme on dit dans les livres pour ne pas choquer … C’était la première fois, ça n’était pas parfait … Mais qu’importe !
Puis, ils s’étaient éloignés … Plus rien à dire. Plus rien à montrer. Plus rien à prouver. Comme si le simple fait de consommer leur amour les avait séparé, les avait brisé !
Ils s’étaient perdu de vue.
La fac de médecine, les cours, l’amphithéâtre, les copains, les petits copains, la vie quoi ! Elle avait survécu. Elle avait continué à vivre.
Ce n’est que bien plus tard qu’elle avait su … SIDA. Syndrome d’Immuno-Déficience Acquise. Bien sûr qu’elle connaissait … En médecine, quand même … Un rapport mal protégé ? Une seringue ? Elle ne connaissait rien de sa vie, comment savoir ?
Elle avait eu peur … Et si … et si elle l’avait aussi ? Le test … Le stress … les résultats. Non, rien ! Ouf ! Pourquoi « ouf » ? Et lui … Cette fois, elle n’avait pas pu pleurer … C’était trop dur , trop loin !
Il allait mourir. C’était pour ça, la lettre. La seule lettre qu’il ne lui avait jamais écrite !
Elle était allé le voir, évidemment !
Ce n’est qu’après qu’elle s’était rendu compte …
Elle était entré à l’hôpital, avait demandé la chambre, avait frappé, la trouille au ventre. Il était là, faible, diminué mais beau … D’une beauté faible … Ils n’avaient rien dit pendant un moment, s’étaient juste regardés … Appréciés en silence … Littéralement dévorés des yeux … Il avait goûté sa peau des yeux, elle avait plongé dans son regard.
Il avait enfin murmuré, brisant ce mur de silence :
- Et toi ?
- Non …
- Tu sais, j’ai enfin trouvé mon monde parfait …
- Ah oui ?
- Le ciel serait bleu … Le soleil jaune, si brillant qu’il nous éblouirait. L’herbe serait verte … ou jaune en été, quand le temps serait trop sec.
- Ce serait un monde pareil au notre ?
- Oui, tout pareil …
- Mais ?
- Mais je vivrais … Avec toi … Jusqu’à la vieillesse … Jusqu’à la mort qui nous trouverait enlacée tous les deux. Et je t’aimerais aussi fort que je t’aime. Parce que de toutes façons, on ne peut pas t’aimer plus que moi … Aucun amour ne peut être plus grand que celui que je te porte. Parce que c’est un amour qui n’attend rien et qui se sait inutile … Et c’est pour ça qu’il survit …
Elle l’avait cru. Elle l’avait vraiment cru. Et elle savait que c’était vrai … Elle savait que leur amour était plus fort que tout … Parce que, après tout, tout est relatif ! Et pour elle, rien que pour elle, ce serait le plus beau des amours …
Excuse-moi de n’avoir pu la raconter à la première personne mais cette histoire me semble presque étrangère tellement elle m’est proche … Oui, c’est étrange … Mais notre relation était étrange ! Je n’ai compris qu’à ton enterrement que je t’aimais plus que tout au monde … Je croyais que cet amour n’existait que dans les livres … Que dans mon imagination … Que dans un monde parfait ! J’avais tort ! Il existe en vrai … Pour nous, du moins … Je me suis mariée, j’ai eu des enfants. J’ai eu une vie si heureuse ! Mais je t’assure que ma blessure ne s’est jamais refermée ! Mon mari le savait mais il n’a rien dit, il m’a laissé vivre … Parce qu’il comprenait ! Les gens comme ça sont mieux encore que les anges !
Excuse-moi de te parler de lui … Mais je pense que tu l’aurais apprécié …
Mais rassure-toi, pour moi, tu seras toujours un monde à toi tout seul … Mo
« Si j'y vais, ce n'est pas pour mourir mais pour me prouver à moi même que je suis encore vivant. »